29-01-2021
Antoine Bristielle : “Le conspirationnisme a dépassé son cadre et ses sphères d’influence ordinaires”
- Politique
Antoine Bristielle, professeur de sciences sociales, chercheur en science politique et expert associé à la Fondation Jean Jaurès, est un spécialiste de l'usage politique d'internet et des réseaux sociaux, il a notamment publié une enquêtes sur les groupes Facebook anti-masques et étudié leur dynamique.
Vous avez publié une étude sur les anti-masques et dans cette étude, vous montrez que le niveau d’éducation des personnes concernées est plutôt élevé. Il y a quelque chose d’assez contre-intuitif. Est ce que vous pensez qu’un niveau d’étude élevé peut pousser à davantage de complotisme ?
En population générale, on remarque que, moins les personnes sont éduquées, plus elles vont avoir tendance à adhérer aux théories conspirationnistes. Mais, effectivement, dans les groupes Facebook anti-masques, on remarque qu’on a affaire à des personnes qui ont un niveau d’éducation assez élevé, en moyenne un bac+2. Cela montre que même si généralement les personnes les moins éduquées sont les plus susceptibles d’adhérer aux théories conspirationnistes, ce problème peut également se poser au sein de publics éduqués.
La pandémie a généré de nombreuses fake news et des théories complotistes, avec notamment le succès du documentaire Hold Up. Peut-on venir à bout de cette épidémie de désinformation grâce à l’éducation aux médias ?
Il y a un phénomène médiatique dans l’adhésion aux théories conspirationnistes. Lorsque les personnes s’informent sur les réseaux sociaux, elles vont avoir tendance à adhérer davantage aux théories conspirationnistes, c’est aussi le cas pour des personnes qui vont s’informer via des médias classiques, comme la télévision. Donc il y a les médias sociaux, les réseaux sociaux, mais il y a aussi les médias plus classiques.
Ce que l’on constate, c’est que l’adhésion au conspirationnisme est lié à une défiance beaucoup plus importante envers les institutions politiques et les institutions scientifiques. L’éducation aux médias peut avoir un impact, mais il faudrait que ce soit combiné à d’autres éléments afin d’être vraiment efficace afin de lutter contre le conspirationnisme.
Peut-on vaincre la désinformation grâce à l’éducation aux médias ? Comment a évolué le complotisme ? Comment fonctionne-t-il désormais ?
— La Netscouade (@LaNetscouade) January 29, 2021
👉 Éléments de réponse avec @A_Bristielle, expert associé chez @j_jaures pic.twitter.com/bnd39nQ8Fm
Est-ce qu’un documentaire, comme Hold Up, peut être abordé en classe ? Et si oui, comment les professeurs peuvent-ils le faire ?
À partir du moment où il y a de nombreuses personnes qui ont vu ce documentaire, qui ont été soumises à ces images, qui ont pu être interpellées par ce qu’il y est dit, c’est nécessaire d’avoir des contre-arguments qui sont proposés pour démontrer que ce documentaire est largement faux. La meilleure manière de faire cela, c’est de rappeler, point par point, que les différentes théories qui peuvent être présentées sont erronées. On peut aussi révéler assez rapidement des contradictions majeures. En effet, en l’espace de dix minutes, le documentaire va réussir à dire que ce n’est pas une épidémie réelle, qu’il n’y a pas de mort, que ce sont les morts habituels de la grippe. Puis, dix minutes plus tard, il est expliqué que c’est une épidémie créée de toutes pièces par les élites pour tuer la moitié de la population mondiale.
Mettre en lumière ces contradictions majeures au sein du documentaire, c’est de nature à pouvoir convaincre des personnes intéressées par la vérité que ce documentaire est assez fallacieux dans sa façon de fonctionner.
Est-ce que la parole des professeurs peut avoir du poids par rapport à des scientifiques reconnus et d’un prix Nobel ? Même si on arrive à décrypter, à l’expliquer, quel poids peut-on donner à cela ?
Ce que l’on remarque, c’est que les personnes qui adhèrent aux théories conspirationnistes ne sont pas des personnes qui ne croient pas en la science. Elles ne croient juste pas en la légitimité des institutions scientifiques officielles. Elles sont en recherche d’une vérité alternative par rapport aux vérités scientifiques, démontrées par les institutions scientifiques officielles. C’est là où la problématique se fait : tout part d’une défaillance des institutions classiques. Sans retisser le lien de confiance dans ces institutions, c’est effectivement compliqué d’arriver à remettre en question ces paroles.
Vous êtes enseignant, vous suivez ces sujets-là. Est-ce que vous avez constaté un essor de ces sujets ces derniers temps ? Et si oui, sur quelles thématiques ? J’imagine que c’est davantage lié à la santé, aux questions de sciences.
En effet, les questions de santé sont un terrain extrêmement fertile pour les différentes théories conspirationnistes. On voyait même avant le début de l’épidémie que la théorie conspirationniste à laquelle le plus de Français adhérait, c’est-à-dire autour d’un tiers, 40 % de la population, c’est qu’il y aurait un complot entre le gouvernement et l’industrie pharmaceutique pour cacher la réalité sur la nocivité des vaccins. Donc les questions sanitaires, c’est une base fertile pour les théories conspirationnistes et la crise sanitaire l’était d’autant plus parce qu’il y avait beaucoup de peur, d’incompréhension, d’incertitudes et c’est sur ces éléments-là que le conspirationnisme va proliférer.
Quels sont les principaux enseignements, les grands enseignements de votre étude sur les anti-masques ?
Sur la question des anti-masques, qui n’était pas un phénomène forcément majeur au sein de l’ensemble de la population, 15 % à 20 % était vraiment contre le port du masque, on a pu remarquer qu’il y avait pu avoir une mobilisation sur les réseaux sociaux assez importante de personnes qui, ordinairement, n’étaient pas forcément les plus à même d’avoir ce type de raisonnement, d’avoir ce type de théories. Donc ce serait peut-être ça, l’enseignement principal sur cette question des masses : le conspirationnisme a dépassé son cadre ordinaire et ses sphères d’influence ordinaires.
“Les questions sanitaires c’est une base fertile pour les théories conspirationnistes […] parce qu’il y a beaucoup de peur, d’incompréhension et d’incertitudes” @A_Bristielle, professeur en sciences sociales @j_jaures pic.twitter.com/iiJBXL5X2h
— La Netscouade (@LaNetscouade) January 29, 2021
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