29-01-2021
Aude Favre : “Il faut ouvrir davantage les rédactions, communiquer davantage sur qui on est, ce qu’on fait, comment on le fait”
- Média
Aude Favre est présidente de l’association FakeOff créée suite aux attentats de Charlie Hebdo. Dans cette association, des dizaines de journalistes spécialisés, notamment en investigation, collaborent pour aller rencontrer tout public, mais principalement les jeunes, afin de les armer contre la désinformation.
La pandémie a généré de nombreuses fake news et des théories complotistes, avec notamment le succès du documentaire Hold Up. Est-ce qu’on peut venir à bout de cette épidémie de désinformation grâce à l’éducation aux médias ?
Je pense que l’éducation aux médias est absolument fondamentale, on ne peut pas se sortir des fake news et de ce problème de désinformation de masse sans faire de l’éducation aux médias de manière massive. Ça concerne évidemment l’Éducation nationale, mais ça concerne aussi tout le monde, et notamment les journalistes.
Je pense qu’il faut ouvrir davantage les rédactions, communiquer davantage sur qui on est, ce qu’on fait, comment on le fait, tout en restant humble. Par exemple, pas plus tard que ce matin, je discutais avec un confrère qui s’est trompé il y a quelque temps sur une information. Et cela prouve que ce n’est pas un travail parfait, chacun fait ce qu’il peut. Mais, cette transparence-là, cette forme d’humilité est indispensable.
Il est donc important que l’Éducation nationale joue son rôle, tout comme les journalistes et, d’une manière générale, je pense que chaque citoyen, qui souhaite assainir un peu le débat public, doit s’emparer de ces questions. Pour cela, il peut, par exemple, participer à la rédaction citoyenne que je suis en train de monter, mais il peut y avoir plusieurs façons de lutter contre cela.
Est-ce qu’on peut venir à bout de cette épidémie de désinformation ? Comment faire ? Quel rôle doit jouer l’État ?
— La Netscouade (@LaNetscouade) January 29, 2021
👉 Éléments de réponse avec Aude Favre @WTFake_ présidente de l’association @AssoFakeOff pic.twitter.com/gLsVJItDYW
Un documentaire comme Hold Up, est-ce que c’est un sujet qui peut être abordé en classe et le cas échéant, de quelle façon ? Comment est-ce que les professeurs, les journalistes, peuvent-ils le faire ?
Je pense que ça peut être assez difficile pour un certain nombre de professeurs d’aborder le documentaire Hold Up en classe, un peu « sans filet », bien qu’ils soient tout à fait alertes. C’est un documentaire très long, extrêmement chargé à tous les niveaux, qui embrouille complètement la tête et qui nécessite d’être vu et débriefer sur plusieurs moments, sur plusieurs heures.
Je conseillerais très sincèrement de s’accompagner d’un professionnel de l’information, parce que je pense que c’est aussi en discutant avec eux qu’on peut comprendre ce qui ne va pas dans un documentaire comme Hold Up. Par exemple, dans la première année de journalisme, le premier jour d’école, on nous apprend la précision, c'est-à-dire « qui ? », « quoi ? », « comment ? », « où ? », « à quel moment ? »… C’est très précis, très clinique. Typiquement, dans Hold Up, ce n’est pas du tout précis. Les informations sont survolées en permanence.
Ce serait peut être intéressant de regarder Hold Up, puis par la suite de regarder une vraie investigation journalistique. Quelle est la différence ? Ça peut être un exercice intéressant d’autant plus que la différence est massive. Par exemple, dans une enquête, il y a des droits de réponse, il y a des confrontations. Dans Hold Up, on dit que l’Institut Pasteur a créé la Covid, mais à aucun moment - en tout cas ce n’est pas dit, ce n’est pas vu - l’Institut Pasteur a été contacté pour qu’il y ait le son de cloche. Une enquête, c’est des confrontations, dans le complotisme, il n’y a pas ça. Et je pense, très sincèrement, que c’est peut-être plus intéressant aussi pour un certain nombre d’élèves, un certain nombre de professeurs, de regarder ce genre de documentaire avec un journaliste à ses côtés, par exemple.
“Ce serait intéressant de regarder Hold Up, puis de regarder une vraie investigation journalistique. Quelle est la différence ? Ça peut être un exercice intéressant d’autant plus que la différence est massive” Aude Favre @WTFake_ présidente de l’association @AssoFakeOff pic.twitter.com/wPBwin7cPJ
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Alors, même si les professeurs s’appuient sur l’expertise de professionnels de l’information, n’est-ce pas compliqué de donner du poids à leur parole face à celles de scientifiques reconnus, parce que c’est le cas dans le documentaire Hold Up ?
C’est bien le problème. C’est-à-dire que, par exemple, on peut être très facilement happé par la parole d’un scientifique qui est bardé de diplômes et qui dit quelque chose qui va totalement à contre-courant du consensus de tous les professionnels, de tous les chercheurs sur ce domaine. C’est le cas sur la Covid mais aussi pour le réchauffement climatique. Si tu cherches, tu vas toujours trouver la personne qui a plein de diplômes, qui est climatologue et qui dit : « non, ça n’existe pas ».
La vraie question, c’est qu’est-ce qui est important ? Ce qui est important, c’est de s’en référer à ce sur quoi s’accorde la profession, c’est-à-dire à ce sur quoi s’accordent des milliers de chercheurs. Il faut voir le consensus qui se dégage de leurs recherches à eux, de leurs études scientifiques globales.
Ça peut être assez impressionnant parce que dans Hold Up, par exemple, on a des gens bardés de diplômes qui viennent dire quelque chose complètement à contre-courant de ce qu’on imagine, du sens commun. Typiquement, la Covid aurait été créée par l’Institut Pasteur. Je comprends que ça puisse être confus, mais c’est là que, justement, un vrai travail d’enquête remettrait les choses dans leur contexte.
Si Hold Up avait été un vrai travail d’enquête, ils auraient dit : « ce professeur-là, qui a ses diplômes, qui a été prix Nobel, dit ça, ce qui va à l’encontre de ce que l’immense majorité des chercheurs de son rang disent », et c’est très important de replacer des gens dans leur contexte parce que sinon, tu peux avoir des gens de n’importe quelle profession et avec n’importe quel diplôme qui déraille. Ce n’est pas parce que quelqu’un dit le contraire de ce qui est communément admis qu’il va falloir lui donner plus de crédit, c’est même plutôt le contraire.
Je suis toujours très fascinée par cette attraction que les gens ont pour la voix qui va dire le contraire de tout le monde, avec tellement d’assurance et tellement d’aplomb que, finalement, on va se laisser facilement berner par ça. Il faut toujours se dire : « OK, ce mec-là me dit ça, il a tels diplômes, etc. Mais qu’en pensent ses confrères ? ».
Pour rendre ça peut-être un peu plus concret, c’est comme si vous alliez chez votre garagiste et qu’il vous demande une somme astronomique pour changer une pièce. Vous allez peut-être vouloir faire le tour de tous les garagistes, pour savoir si le prix est justifié, si la réparation est justifiée.
Le grand enjeu dans les prochains mois va tourner sur le vaccin et toutes les peurs qu'il suscite. Est-ce que les journalistes, et plus particulièrement les fact-checkers, auront un rôle déterminant à jouer sur ce sujet auprès de la jeunesse ?
Je pense qu’avec la montée des anti-vaccins et toute la campagne de vaccination qui vient, il va y avoir effectivement énormément de travail pour les fact-checkers, mais je sais aussi que le fact-checking ne suffit pas à convaincre les gens. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Évidemment, ce travail est indispensable, mais il va aussi falloir que les journalistes se rapprochent au plus près des gens, montrent le plus possible la façon dont ils ont fact-checké telle ou telle information. C’est ce travail-là qui va réconcilier la population avec la profession. Il y a de plus en plus de journalistes qui ouvrent leur rédaction, et optent pour la transparence, mais il faut que ça se généralise pour regagner la confiance du grand public.
“Il va falloir que les journalistes se rapprochent au plus près des gens, montrent la façon dont ils ont fact-checké telle ou telle information \[…] pour regagner la confiance du grand public” Aude Favre @WTFake_ pic.twitter.com/j4pgJtvHxc
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