04-03-2022
Caroline Baldeyrou : “Chez ARTE, nous essayons constamment de nouvelles choses”
- Média
Caroline Baldeyrou, directrice adjointe du Développement Numérique, nous explique comment, grâce à des choix éditoriaux singuliers, ARTE a su se positionner sur de nombreuses plateformes afin de toucher une audience toujours plus large et encore plus jeune. Après 20 ans d’expérience dans le privé, Caroline a rejoint le média de service public en 2019. Elle coordonne et met en place la stratégie numérique d’ARTE avec son équipe, de la production des contenus (séries de fiction, documentaires, programmes en réalité virtuelle, podcasts, jeux vidéos,...) à leur diffusion sur les plateformes numériques sociales.
ARTE est aujourd’hui présent sur de nombreux canaux, de la chaîne télévisée aux diffusions numériques, sur ARTE.TV et les réseaux sociaux. Comment vous définissez-vous aujourd’hui : chaîne de télévision, bouquet de propositions éditoriales ?
ARTE est un média particulier, qui a été créé avec une ambition qui est toujours la sienne en 2022 ; rassembler les Européens par la culture. Aujourd’hui, à l’heure de fêter ses 30 ans, ARTE est devenue un vrai « label » de la culture européenne. Et ce label décline son offre éditoriale à travers trois propositions ; la chaîne linéaire, la plateforme numérique européenne, et les chaînes sociales. Savez-vous qu’aujourd’hui, 70 % des Européens peuvent regarder ARTE dans leur langue maternelle ?
Par ailleurs, ARTE est un média de service public. En cela, notre mission est double : nous adresser à tous les publics, quels que soient leur âge ou leurs usages télévisuels et numériques, et coproduire des programmes qui donnent à voir les complexités du monde et des êtres qui l’habitent. Pour mieux comprendre notre monde et, pour mieux nous comprendre les uns les autres.
Que ce soit sur YouTube, Instagram ou Twitch, ARTE se présente toujours sous des formes différentes, adaptées à la plateforme. Comment réussissez-vous à trouver une offre éditoriale adaptée à chaque réseau ? Avez-vous encore une volonté d'innover éditorialement ?
Sur le numérique, nous avons deux objectifs : élargir l’audience d’ARTE en proposant nos programmes à de nouveaux publics, et innover en permanence en proposant de nouvelles histoires, et de nouvelles façons de les raconter. Pour atteindre ces objectifs, nous déployons une stratégie de présence sur toutes les plateformes sociales car nous pensons que c’est à nous, média de service public, de faire l’effort d’être présents sur ces plateformes pour que l’audience puisse découvrir nos programmes de qualité.
Cette présence large sur le numérique nous amène constamment, avec l’aide des producteurs et auteurs avec qui nous travaillons, à nous ré-inventer. Nous lancer sur Twitch, par exemple, a impliqué un changement très important pour nous. Twitch est un média du direct. Or la chaîne ARTE, que ce soit la télévision ou arte.tv n’a pas une culture du direct - hormis les concerts et spectacles captés et diffusés en live et avec beaucoup de succès sur ARTE Concert.
Un autre marqueur de Twitch est l’incarnation ; chaque chaîne Twitch a son ou ses streamer(s) stars. Sur ARTE depuis toujours, ce sont les programmes qui incarnent notre ligne éditoriale, plus que des personnes à l’antenne. Par ailleurs, Twitch est aussi une plateforme exigeante qui requiert un certain nombre d’heures de présence journalière pour être visible : autant de défis que cette plateforme nous impose. Notre défi est de toujours garder la “patte ARTE” – sa manière particulière de raconter des histoires, à la fois pertinente, exigeante et décalée. Pour revenir à Twitch par exemple, notre émission Jour de Play analyse le monde à travers le prisme vidéoludique plutôt que de montrer quelqu’un en train de jouer à des jeux vidéo. Le champ des possibles que nous offrent les réseaux sociaux est très large, et source de créativité mais il faut avoir une stratégie claire et faire des choix pour rester efficaces.
La curiosité, la créativité sont au cœur de tous nos dispositifs. Nous sommes toujours à la recherche de talents nouveaux, émergents, que nous allons accompagner ; de jeunes producteurs, des auteurs et autrices qui démarrent leur parcours. La création, l’innovation c’est toujours une prise de risque. Chez ARTE, nous essayons constamment de nouvelles choses. C’est possible particulièrement sur le numérique qui est un grand espace de liberté de tons et de formats. Mais c’est surtout possible car nous sommes un service public ; nous cherchons à toucher un public, pas des annonceurs. Ça change beaucoup de choses, et ça nous autorise cette prise de risque. C’est beaucoup plus compliqué dans le privé, c’est certain.
Un des marqueurs de notre capacité à créer, c’est ARTE Radio. Cette équipe a devancé les usages, en proposant dès 2002, des documentaires sonores en ligne, à la demande. On n’appelait pas encore cela « les podcasts » ! C’était un nouveau format, mais également de nouvelles histoires ; très tôt ARTE Radio s’est emparé du sujet des luttes féministes, a donné la parole à des personnages qui ne vivent pas « dans la norme », a raconté les interrogations de la société. Les créateurs avec lesquels nous travaillons sont traversés par ces questionnements, qu’ils vivent aussi dans leurs expériences. Et nous les aidons à faire éclore ces histoires et à les porter à la connaissance du public. Aujourd’hui, il y a plus de 2000 podcasts en ligne sur ARTE Radio, en formats documentaires, fictions, ou rendez-vous réguliers. Et ces podcasts sont également disponibles sur toutes les plateformes d’écoute ; Spotify, Deezer, Podcast Addict,… et même YouTube, où une nouvelle communauté ARTE radio s’est formée. Faire écouter des podcasts sur une plateforme vidéo, ça aussi c’est créatif !
Comment cela se passe-t-il lorsque l’on souhaite proposer un format web à ARTE ? Il faut d’emblée proposer un programme dédié à une plateforme spécifique (Snapchat, TikTok, Twitch..) ou vous décidez ensuite sur quelle plateforme le programme sera le plus adapté ?
Tout d’abord, le comité éditorial étudie et prend le temps de comprendre chacun des projets numériques qui nous sont envoyés par les producteurs. Au sein de l’unité du développement numérique, nous en recevons plus d’une quarantaine par mois, ce qui est beaucoup - mais les équipes documentaires de l’antenne linéaire en reçoivent parfois dix fois plus.
Nous étudions chaque projet avec attention, que cela soit un projet de documentaire unitaire, une série de fiction ou un jeu vidéo. Certains ne correspondent pas à notre ligne éditoriale, d’autres doivent être ré-orientés car nous pressentons qu’ils rencontreront mieux leur public s’ils sont diffusés sur une autre plateforme sociale...
De l’histoire intime aux sujets d’intérêt public, nous sommes vraiment curieux et ouverts, et tous les terrains de jeux nous intéressent. Sur Snapchat par exemple, nous publions chaque semaine FAQ, un show qui mélange des témoignages de jeunes, des interventions d’experts et des sondages en motion design. Sur notre compte Instagram ARTE à suivre, nous avons diffusé l’été dernier une série de fiction, Patience mon amour, construite uniquement en stories.
Sur TikTok nous avons lancé cet automne Viens on danse, une série documentaire autour de l’histoire des danses majeures du hip-hop. Ce sont des propositions uniques, et chacune d’entre elles est adaptée à la grammaire de la plateforme de destination. Il arrive aussi bien sûr, quand le format s’y prête, que nous répliquions le succès d’un programme sur une autre plateforme, pour que le plus large public possible puisse en profiter.
Pour revenir sur le cycle de travail autour des projets, si un projet nous intéresse nous allons d’abord accompagner financièrement et éditorialement la phase de développement (travail sur des repérages, les arches narratives, rédaction d’épisodes, création éventuellement d’un pilote…). Après le développement, si nous sommes tous d’accord, nous lançons la phase de production du programme, que nos chargés de programmes vont accompagner en étroite collaboration avec les producteurs et les auteurs.
Sur le chemin, les projets peuvent évoluer. Certains formats de série deviennent finalement des unitaires, d’autres se densifient. Il faut savoir aussi que les formats privilégiés par les plateformes évoluent régulièrement. Les séries courtes feuilletonnantes composées de 10 épisodes de 3 minutes ne sont pas faciles à diffuser sur Youtube par exemple, là où la distribution des vidéos dépend de l'algorithme. Par ailleurs, cet algo, aujourd’hui, favorise les durées plus longues. La solution que nous avons trouvée consiste à publier la totalité de la série en intégralité en une vidéo qui peut durer 30 minutes ou parfois bien plus. Ces formats-là fonctionnent très bien ; c’est le cas par exemple des séries documentaires Une espèce à part (8 millions de vues), ou plus récemment Le mystère Satoshi, qui sont d’énormes succès sur YouTube, comme sur arte.tv.
Par ailleurs, nous diffusons aussi sur YouTube des documentaires de facture plus classique (52 minutes, 90 minutes…), qui sont diffusés sur l’antenne linéaire et sur arte.tv. YouTube est un outil pour porter autrement ces programmes à la connaissance du plus grand nombre. Nous créons également sur YouTube des programmes qui sont pensés nativement pour cette plateforme ; par exemple Le Vortex, un programme de vulgarisation scientifique emmené par des vidéastes qui ont des chaînes YouTube déjà bien établies. Ou encore Les idées larges, un nouveau rendez-vous que nous avons lancé en janvier 2022 ; ce format de 20 minutes explore les questions qui traversent notre société et qui font débat dans le champ intellectuel – avec l’ADN ARTE, et un ton qui correspond à celui des générations numériques.
Qu’en est-il de la pérennité de certains contenus produits actuellement spécifiquement pour certaines plateformes telles que Snapchat ou Tiktok. Comment faire pour que vos contenus de qualité ne soient pas voués à disparaître, dépassés par la technologie ou enterrés par les algorithmes des réseaux sociaux ?
L’archivage des projets numériques est une question complexe. Nos documentaires interactifs ou « webdocs » comme Prison Valley ou Gaza-Sderot ne sont plus accessibles en ligne car la technologie Flash a disparu à la fin de l’année 2020. Des versions de ces projets sont hébergées à l’INA et la BNF au titre du dépôt légal du web, et les producteurs conservent également des versions.
En fait, la pérennité des projets dépend de l’évolution des technologies, et il est impossible de dire comment celles-ci vont encore bouger. C’est pour cela que le sujet de la conservation des projets numériques n’est pas simple. Mais il est extrêmement important, surtout pour les projets ambitieux et de qualité dont le sujet sera toujours d’actualité dans quelques années. En tout cas, nos programmes en format vidéo sont disponibles tant que nous avons les droits pour le faire, et nous les remettons en avant très régulièrement. En cela, le travail de nos éditeurs est crucial ; les algorithmes sont des outils intéressants mais chez ARTE, nous sommes convaincus que rien ne remplace l'éditorialisation réalisée par des êtres humains…
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