28-05-2021
Citoyens-Covid : la puissance de la société civile numérique
- Santé
Ils s’appellent Guillaume Rozier, Elias Orphelin et Martin Daniel. Leurs services ViteMaDose, CovidTracker et Covidliste sont devenus des services publics. Ces projets amateurs, montés dans leur salon, témoignent d’une nouvelle forme d’engagement en ligne. En ouvrant les données, en faisant la publicité pour ces services ou même en les subventionnant, le gouvernement cherche à trouver la bonne distance avec cette foisonnante société civile des réseaux.
Il y a en France 153.000 chevaliers de l’ordre du Mérite mais certaines nominations ont plus de résonance que d’autres. Le 22 mai, Guillaume Rozier était promu au rang de chevalier « à titre exceptionnel sans attendre la durée de services requise », faisant les gros titres de la presse. Créateur des services CovidTracker (open data sur la pandémie) et ViteMaDose (outil de recherche de créneaux de vaccination), le jeune ingénieur de 25 ans est la tête de pont d’une nouvelle génération d’activistes numériques, de hackers citoyens, de magiciens des datas. Derrière cette figure devenue familière des Français, se cache une armée de bénévoles du web qui, à défaut de savoir injecter un vaccin par voie intramusculaire, ont participé à leur manière à l’effort national.
5 mars 2020. Le Covid-19 est à nos portes – ou plutôt il est déjà sur notre territoire et la France regarde ailleurs. Sur son compte Twitter, Guillaume Rozier poste un simple graphique comparant le nombre de cas en Italie et en France, démontrant que l’évolution est similaire avec 8 à 9 jours de retard. La suite lui donnera malheureusement raison. Après quelques tweets d’échauffement, Guillaume Rozier crée le site CovidTracker, qui regroupe une série de visualisation des différentes données publiques sur le Covid. Rapidement, le site fait de l’ombre à Géodes, l’outil mis en place par Santé Publique France. Sur les écrans de télévision, sous les graphiques de la pandémie, il est fréquent de lire « Source : CovidTracker » en lieu et place de « Santé Publique France ». Les données de Guillaume Rozier sont devenues une référence. Plus vrais que les chiffres du gouvernement, dont ils procèdent pourtant. « Les gens pensent que les chiffres mis en ligne par Covidtracker constituent la vérité. Si c’est nous qui les donnons, on pense que l’on ment », constate, un rien désabusée, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique.
Twitter, carrefour de l’info Covid
D’autres data scientists de talent s’abreuvent de l’open data gouvernemental pour produire des analyses graphiques quotidiennes, comme Germain Forestier (site éponyme) et Guillaume Saint-Quentin (Meteo-Covid). Le succès de ces sites amateurs n’aurait pas été possible sans la politique d’ouverture des données menées par le ministère de la Santé : « Je ne sais pas s'il y a beaucoup de pays européens qui mettent en ligne autant de données, d'une telle qualité, avec un maillage si fin. En France, on est capable d’obtenir le taux d’incidence par quartier ou les indicateurs sanitaires et hospitaliers par tranches d’âge », détaille Elias Orphelin, étudiant en école de commerce, qui collabore à CovidTracker.
Tous ces virtuoses de la donnée partagent un point commun : ils passent un temps déraisonnable sur Twitter. Le réseau de micro-blogging est devenu le meilleur endroit pour suivre la pandémie au jour le jour. Des chercheurs du monde entier partagent leurs analyses : Eric Topol, Natalie E. Dean, Akiko Iwasaki…. Des journalistes proposent une veille exhaustive sur le sujet : Nicolas Berrod, Vincent Glad… Des comptes anonymes érudits publient de passionnantes enfilades de tweets : Pr Logos, Panda31808732, Locuste... Toute une communauté d’amateurs passionnés s’est formée, partageant ses connaissances, à l’image de cette fonctionnaire traduisant méthodiquement les podcasts du virologue allemand Christian Drosten. Plusieurs collectifs citoyens d’influence sont nés à travers ces échanges sur le réseau, à l’exemple de « Du côté de la science » (groupe de médecins et scientifiques), « Ecoles et familles oubliées » (groupe de parents d’élèves) ou « Après J20 » (groupe de patients atteints du Covid Long).
De Medium à Merkel
Au sein de cette vibrante communauté, tout le monde n’est pas scientifique, tant s’en faut. Exemple emblématique du pouvoir des amateurs : Tomas Pueyo est un entrepreneur français de la Silicon Valley qui n’était en rien destiné à devenir un gourou du coronavirus. Il a pourtant écrit au début mars 2020 l’article le plus influent au monde sur le Covid-19, lançant l’alerte sur le drame à venir : « Coronavirus : pourquoi nous devons agir maintenant ». Vu 40 millions de fois, traduit en plus de 40 langues, cette publication au fort potentiel viral n’est pas signée de la plume d’un épidémiologiste ou d’un virologue mais a rendu accessible au plus grand nombre le risque contre-intuitif de la croissance exponentielle. Pueyo ne s’est pas arrêté là : son article suivant, proposant une politique de lutte volontariste contre le virus, imposera l’expression « le marteau et la danse » dans le débat public. Jusqu’à devenir le scénario privilégié par le gouvernement allemand dans un document de prospective : « Szenario Hammer and danse ».
Aucun créneau ne doit être perdu.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 6, 2021
À partir du 12 mai, les rendez-vous qui n’auront pas trouvé preneur 24 heures avant seront ouverts à tous les adultes volontaires, sans condition.https://t.co/H6mJCiN6iG
Cette société civile numérique produit une foule de connaissances, mais aussi des nouveaux outils. Après CovidTracker, Guillaume Rozier s’est lancé dans l’aventure ViteMaDose. Ce site, qui scanne sur Internet les créneaux de vaccination disponibles, est devenu une référence, au point d’être cité par Emmanuel Macron sur Twitter. L’opération est habile. Ce n’est pas le gouvernement qui a monté ce service, mais puisqu’il existe et qu’il est très utile, autant en faire la promotion.
De la data contre des bonnes idées
Le ministère de la Santé regarde d’un œil intéressé cette vibrionnante activité amateure. C’est ainsi qu’Olivier Véran a prononcé le discours d’ouverture du Hackathon Covid, un marathon de 48h pour développer des apps au service de la communauté. « Il y a des citoyens comme nous, CovidTracker, qui ont plein d'idées, plein d'énergie, mais pas forcément les moyens, ni financiers, ni institutionnels », raconte Elias Orphelin, organisateur du Hackathon. « Il y a de l’autre côté des acteurs publics qui, au contraire, sont très centralisés, ont une grande force de frappe, mais peuvent parfois manquer de flexibilité. Enfin, il y a des entreprises qui ont envie d'aider parce que dans leur business model, ça a du sens de s'engager à un moment. »
En mettant tout le monde autour de la table (numérique), le Hackathon a accouché de divers projets passionnants, allant de l’analyse des données des eaux usées, de l’utilisation des paramètres météorologiques pour prévoir l’évolution de l’épidémie à la création d’un mémorial numérique pour les 100.000 morts du Covid. En ouvrant plusieurs jeux de données, comme celui des eaux usées, l’administration a permis de développer ces outils innovants, utiles pour tous. De la data contre des bonnes idées. Un pacte gagnant-gagnant.
« Une personne dans son salon peut toucher des millions de personnes »
Autre exemple de collaboration entre la société civile et les pouvoirs publics : l’application Covidliste, qui permet de s’inscrire pour être contacté lorsque des doses surnuméraires sont disponibles près de chez soi. A l’origine, le projet est totalement amateur. Cofondée par Martin Daniel, un data scientist de 34 ans, l’initiative est rapidement devenue une véritable ONG du numérique, faisant collaborer plus de 100 personnes. « On a dû se structurer car ce n'est pas juste une interface web », explique Martin Daniel. « On est utilisé par près de 2100 centres de vaccination et il y a un travail de terrain à effectuer. Près de 80 personnes se consacrent à l'acquisition de centres de vaccination et à la vérification de ceux-ci. On a également une quarantaine de développeurs, des juristes, des avocats ou une équipe communication. » Une équipe foisonnante qui s’est développée en à peine un mois ! « En quatre semaines, on avait déjà un million d'utilisateurs inscrits pour la vaccination. Je pense que de tout temps, il existait un engagement citoyen, mais ce qui est nouveau avec les outils numériques, c’est qu’une personne dans son salon peut toucher rapidement des millions de personnes. », analyse Martin Daniel. Comme CovidTracker et ViteMaDose, Covidliste est une structure agile, constituée uniquement de bénévoles qui y entrent et y sortent au gré de leurs disponibilités. Tous pratiquent une activité à côté.
Quelles relations avec les pouvoirs publics ?
Covidliste a récemment reçu une subvention de 35.000 euros du ministère de la Santé. « Nous sommes en contact avec la Direction générale de la santé depuis le début », relate Martin Daniel. « Nous avions deux besoins importants. Premièrement, d’être reconnu officiellement afin que les centres de vaccination nous considèrent comme un interlocuteur légitime. Le ministère a fait une communication en ce sens, c’était un pas très important pour nous. Ensuite, nous leur avons fait part de nos frais incompressibles, notamment les envois de SMS. La subvention vient en complément d’une collecte de crowdfunding et d’une donation de la Fondation de France. C’est cet attelage de différents acteurs qui fait le sel du projet Covidliste ».
De son côté, Covidtracker se tient à bonne distance des pouvoirs publics : « Nous tenons à rester indépendant, nous ne sommes pas affiliés ni au gouvernement, ni à une entreprise, ni à un groupement d'intérêt. Nous n’avons pas de points hebdomadaires au ministère de la Santé où nous dit « Voilà le message à passer » », sourit Elias Orphelin. Même adoubés par l’exécutif, les activistes numériques n’oublient jamais d’où ils viennent. De l’Internet, terre sauvage et farouchement indépendante.
Le condensé de culture numérique qui explore les nouvelles tendances du digital.
- Santé
- Culture digitale
- Politique
- RSE
- Éco-conception
- Média
- Éducation
Picks est désormais
sur WhatsApp
Pour nous rejoindre, rien de plus simple.
1. Enregistrer ce numéro +33615605232 sur WhatsApp sous le nom "Picks".
2. Cliquer sur le bouton "Nous rejoindre" ci-dessous et suivre les instructions.
En procédant à votre inscription, vous acceptez l’envoi ultérieur d’un condensé de l’actualité numérique uniquement sur WhatsApp (aucun sms ou appel). Vous pourrez sortir de la liste de diffusion à tout moment en cliquant sur "Bloquer le contact" dans les paramètres de la conversation. Votre numéro de téléphone ne sera pas récupéré ou utilisé pour toute autre utilisation que celle mentionnée ci-dessus.
Grand bol
d'inspiration
PICKS, made in La Netscouade, le condensé de culture numérique qui explore les nouvelles tendances du digital.
Votre adresse de messagerie est uniquement utilisée pour vous envoyer les newsletters Picks. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans la newsletter. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits
Manifesto
Nous croyons, à La Netscouade, qu’il est possible de régénérer la communication digitale tout en restant fidèles à ce que nous sommes.
Plus qu’une marque, La Netscouade est une marque de fabrique : nos clients viennent chercher chez nous une manière de faire, une capacité à imaginer des contenus à valeur pédagogique et créative, une propension à mixer cultures et talents dans un esprit « laboratoire d’idées ». Sans refuser la vitesse du numérique, nous avons toujours privilégié le long terme pour créer du lien entre l’entreprise et ses publics. Ce sont la transparence, l’écoute active, la constance et la consistance des prises de parole qui génèrent de la confiance et in fine de l’engagement durable.
Dans la période actuelle, nous aidons nos clients à faire du sens un vecteur de performance. Les projets que nous menons avec eux, RSE, numérique, nouveaux media, e-santé, éducation, science, font converger intérêt particulier et intérêt général et créent les conditions d’un engagement plus fort et plus durable.