25-06-2021
Telegram, Whatsapp : les médias investissent les messageries
- Média
Bloomberg, Streetpress et Rue89 Strasbourg sur Telegram. Le Monde Afrique, Le Monde et la RTS sur Whatsapp. De nombreux titres de presse tentent l’aventure des messageries, expérimentant de nouvelles pratiques. L’intérêt est d’abord de se rapprocher de son lectorat en nouant une relation plus intime, plus directe. Retours d’expériences.
Ne cherchez pas de cours magistral de community management sur les messageries. Cela n’existe tout simplement pas. Le champ est encore expérimental et les pratiques ne sont pas stabilisées. Chaque média teste, tâtonne, pesant le pour et le contre, examinant les avantages comparés de Telegram ou Whatsapp par rapport aux réseaux sociaux classiques. Telegram a un faible taux de pénétration (4 %) mais concerne une population très militante et donc très active sur les réseaux, tandis que Whatsapp, utilisé par 62 % de Français, est plutôt l’outil des conversations quotidiennes.
Sur les messageries, Le Monde Afrique fait figure de précurseur. Le média a ouvert sa chaîne Whatsapp en novembre 2018. Un succès immédiat, avec 40.000 abonnés. Le Monde Afrique multiplie alors les canaux avec des « fils » thématiques pour la Coupe d’Afrique des nations, les élections au Sénégal ou l’Algérie. Mais la belle histoire va connaître une déconvenue lorsque Whatsapp change brutalement les règles du jeu. En décembre 2019, pour lutter contre les fake news, la plateforme décide de limiter la capacité des canaux à 256 personnes. Impossible de négocier avec l’entreprise américaine, rachetée par Facebook. Amère, la rédaction du Monde Afrique publie un texte dénonçant cette décision : « Si cette aventure était une fable, sa morale serait qu’un membre des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) a toujours le dernier mot. »
Le Monde Afrique ouvre alors une chaîne sur Telegram, où les contraintes apparaissent moindres. Finalement, un an et demi plus tard, ce canal a été fermé et l’aventure continue sur Whatsapp, en s’accommodant des nouvelles règles. Le mode de diffusion a changé : plus que les groupes, Le Monde Afrique mise maintenant sur les statuts Whatsapp. Le média poste des petites vidéos synthétisant un article et renvoyant vers ce dernier pour les lecteurs qui souhaitent en savoir plus. « Les lecteurs africains s’informent sur notre chaîne parce cela allie à la fois la proximité - sur Whatsapp, au même endroit que les blogueurs auxquels ils sont abonnés - et la notoriété, le sérieux d’un titre comme Le Monde », explique Maryline Baumard, rédactrice en chef du Monde Afrique. Les Décodeurs sont également présents sur la plateforme pour une édition spéciale Covid-19, une chaîne destinée à lutter contre la désinformation à l’endroit même où elle se transmet le plus rapidement.
Si les décisions unilatérales de Whatsapp ont refroidi les médias, certains tentent tout de même l’aventure. C’est le cas de la Radio Télévision Suisse (RTS) qui publie chaque jour sur la plateforme son podcast d’actualités de 3 minutes, Le Short. L’objectif est de toucher un public plus jeune et de développer une approche conversationnelle. En raison des contraintes de Whatsapp, qui ne fait rien pour faciliter le travail des entreprises de presse, le podcast est également posté sur les plateformes traditionnelles que sont Spotify, Apple Podcast ou Deezer.
La Netscouade est également sur Whatsapp ! Depuis un an et demi, tous les mois, vous pouvez recevoir dans votre messagerie la newsletter PICKS, qui sélectionne les liens les plus intéressants de la médiasphère. Whatsapp permet de créer jusqu’à 10 listes de 256 personnes, ce qui nous permet d’acheminer la lettre sur les téléphones de nos lecteurs les plus fidèles.
En termes de lectorat, Telegram permet une force de frappe plus importante, en autorisant à un nombre illimité de personnes de s’abonner. Attiré par ces fonctionnalités et la réputation de confidentialité de la plateforme, tout un écosystème militant est déjà actif sur Telegram, avec des chaînes suivies par des dizaines de milliers de personnes. C’est notamment pour cette raison que plusieurs médias indépendants, comme Rue89 Strasbourg et Streetpress, ont fait le choix d’y ouvrir un canal.
L’objectif au départ n’était pas tant de toucher un nouveau public que de soigner ses lecteurs les plus fidèles. « Telegram est intéressant car cela nous permet d’avoir des échanges directs avec un noyau dur de lecteurs, explique Mathieu Molard, rédacteur en chef de Streetpress. C'est très important pour nous de renforcer ce lien. D'abord, pour une raison très pragmatique : on vit en partie des dons de nos lecteurs et c’est ce lectorat fidèle qu’il faut viser. Ensuite, pour qu’un média puisse exister sur la durée, il n'y a pas que la course à l'audience et la viralité à tout prix. Il faut également pouvoir développer une identité forte et construire une communauté de lecteurs qui nous est attachée ». Sur leur chat Telegram, les journalistes de Streetpress publient leurs articles, mais répondent également aux questions des lecteurs. Ceux-ci peuvent aussi alerter la rédaction sur des sujets qu’ils jugent dignes d’être investigués.
"Telegram est intéressant car cela nous permet d’avoir des échanges directs avec un noyau dur de lecteurs", @MatMolard, rédacteur en chef de @streetpress pic.twitter.com/z2yDi302pq
— La Netscouade (@LaNetscouade) June 25, 2021
Le nombre d’abonnés reste modeste, mais cette audience, du fait de la proximité, compte davantage que les autres. « On ne sait pas si on touche le même public que sur les autres réseaux, ou si l’on parvient à atteindre un public spécifique de la plateforme. Mais ce qui est sûr, c'est que nos 207 abonnés Telegram sont plus proches de nous que nos followers Twitter », constate Pierre France, fondateur de Rue89 Strasbourg.
Le site d’information locale a ouvert deux chaînes distinctes, ainsi que le permet Telegram : un « groupe » de chat, où les lecteurs peuvent échanger avec les journalistes, et un « canal » de diffusion d’information, dans lequel seule la rédaction à la main. Ces deux approches sont complémentaires : la première (limitée à 200.000 personnes) permet d’entamer une vraie conversation d’égal à égal alors que la seconde (sans limite) autorise le média à diffuser plus directement ses articles, tout en laissant la place à d’éventuels commentaires.
Que choisir entre les deux options ? « Tout dépend de l'objectif de la rédaction qui arrive sur Telegram », répond Pierre France. « S’il ne s’agit que de diffuser des articles, il n’est pas nécessaire d’ouvrir un groupe de discussion, un « canal » fera très bien l’affaire. » C’est le choix qu'a fait la rédaction anglo-saxonne Bloomberg. Avantage de Telegram : les médias n’ont pas à se soucier des caprices des algorithmes. Contrairement aux réseaux sociaux, sur la plateforme, tous les messages postés arrivent aux lecteurs.
« En revanche, poursuit Pierre France, si on veut entamer une vraie conversation, il faut ouvrir un « groupe », ce qui suppose d’emblée de prévoir des règles de suivi et de modération assez strictes. Telegram n’est pas très outillé en matière de modération, il y a ainsi souvent des bots qui viennent s'installer dès que le groupe atteint quelques centaines de personnes. Cela indispose assez vite les lecteurs, il faut surveiller cette question comme le lait sur le feu. »
Mathieu Molard constate que le besoin d’une forte d’implication constitue une limite à l’usage des messageries par les médias. « Si on fait la promesse d'une discussion naturelle, spontanée, sincère avec la rédaction de Streetpress, il faut que notre rédaction y soit et s’y implique. Ce n'est pas uniquement un community manager qui peut faire cela. Ouvrir un « groupe » de chat nécessite de demander aux journalistes d’effectuer une tâche supplémentaire, eux qui ont déjà tant de choses à faire. »
La récompense pour les journalistes peut être la possibilité de s’exprimer dans un espace différent, encore relativement protégé des mouvements d’humeur coutumiers de Twitter ou Facebook. Sur son chat, au prix d’une modération serrée, Streetpress a fait le choix de la bienveillance. « Les gens ont droit de donner leur avis, de critiquer, évidemment, raconte Mathieu Molard. Mais si c'est pour troller et dire du mal, il y a tout un tas de lieux publics où ils peuvent le faire : Twitter, Facebook…. mais là, ce n’est pas l'espace. Nous préférons écarter les quelques personnes qui sont là pour être dans la confrontation pour nous préserver un espace plus intime ».
Mathieu Molard insiste : ce chat Telegram « n’est pas un espace public ». Il est pourtant accessible à quiconque veut s’y connecter. Loin toutefois des tumultes des réseaux sociaux traditionnels.
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