19-02-2018
Damso pour Renault ? Focus sur le hip-hop dans la publicité
- Culture digitale
Nike, Sprite, Jeep… Nombre de marques iconiques ont utilisé le hip-hop en publicité, en incluant des artistes dans le processus de création ou en les érigeant comme égéries. Le hip-hop et la publicité entretiennent parfois des relations compliquées, mais les opportunités sont pourtant réelles.
Mardi 13 février 2017, La Netscouade s’est rendue en plein cœur des Halles à La Place, le nouveau centre culturel parisien dédié à la culture hip-hop. Là-bas était présent Florian Perraudin-Houssard, ancien de Warner Bros et de l’agence de design sonore Sixième Son. Intrigué dans un premier temps par l’absence du hip-hop dans les identités sonores des marques, celui qui est devenu journaliste rap a souhaité interroger les liens qu’entretiennent le monde publicitaire et la culture hip-hop en France et aux États-unis. Pour ce faire, il a réuni publics et experts autour d’une conférence. Compte-rendu.
Hip-hop everywhere
En politique comme au sport, de la bromance Obama / Kendrick Lamar au dab de Migos repris par le footballeur Pogba, le hip-hop se faufile de plus en plus dans la culture de masse : dès 2015, Spotify annonce que le hip-hop est le genre le plus streamé mondialement sur sa plateforme. Depuis que les streams sont comptabilisés pour l’attribution de certifications (disque d’or, diamant, platine), ce que l’on appelle “musique urbaine” occupe plus de 50% du Top 50 des albums français : c’est le phénomène culturel qui rencontre le succès commercial.
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Sur Spotify, la “musique urbaine” occupe plus une place éminente (classement au 19 février 2018)
Dès lors, difficile pour les marques que de passer à côté du zeitgeist ! Preuve s’en faut : en 2017, Dior s’associe à A$AP Rocky pour sa collection printemps-été tandis que Travis Scott collabore avec Saint-Laurent pour un vinyle en édition très limitée.
Dior collabore avec A$AP Rocky
Depuis des décennies, des marques hip-hop friendly occupent d’ores et déjà le terrain : Florian Perraudin-Houssard cite Sprite comme l’éternel allié du hip hop, ou encore Nike, dont le caractère urbain n’est plus à prouver. Exemple récent : l’opération Play Bondy, un événement qui regroupait Niska, le public bondynois et le footballeur Kylian M’Bappé autour du terrain de foot d’enfance de ce dernier, fraîchement rénové.
Sprite et la campagne #ObeyYourVerse
Pour enrichir la réflexion, trois intervenants issus du marketing et de la communication rejoignent la discussion :
- Charles Moukouri, publicité & partenariats de marque chez Universal Music Publishing
- Benjamin Sousa, communication & brand content chez Casio pour G-Shock
- Yoan Prat, co-fondateur de l’agence et du média YARD
Ils partagent une même conviction : entre le hip-hop et la publicité, la relation peut fonctionner tant qu’elle est menée par des acteurs légitimes et spécialisés prêts à prendre des risques. Pourtant, quelques freins viennent noircir le tableau.
Cocorico : un contexte français encore frileux 🇫🇷
Pendant qu’Obama et Kendrick Lamar se font des hugs, nos présidents sont plutôt team Johnny. Niveau coolitude, ce n’est pas l’Atlantique qui nous sépare des États-Unis mais un gouffre culturel bel et bien béant. Les intervenants sont unanimes et font le constat d’une incompréhension persistante de l’esprit hip-hop. Selon eux, la culture française et les décideurs conservent une vision encore empreinte de clichés : violence, misogynie et matérialisme.
Le débat porte aussi sur la nécessité pour les acteurs du hip-hop de prendre conscience de leur responsabilité et d’avoir une vision globale du marketing publicitaire. Problème d’entourage ou d’accompagnement, les artistes doivent d’abord comprendre ce que les marques peuvent leur apporter. Il n’est pas question de se travestir, mais d’avoir conscience de son prix, ou de relativiser son influence :
“Nike a vendu des chaussures avant et après toi, même si t’es le rappeur le plus écouté, le plus streamé, le plus connu…” soutient Yoan Prat (Yard)
De quoi mettre en perspective la déification des nouvelles icônes populaires urbaines, qui pratiquent régulièrement une politique de cash-in auprès des marques (et demandent le maximum).
Outre les aspects de sensibilisation aux enjeux, on retrouve également la problématique de l’humour. En France, le sérieux est de mise. On rencontre non seulement une faible proportion de publicités comiques, mais pire : les acteurs semblent peu enclins à rire d’eux-mêmes. Qui imagine Booba dans une pub 7 Up ? À l’inverse, les États-Unis affichent une grande culture de l’auto-dérision, bien illustrée avec le spot de Sprite faisant figurer le basketteur LeBron James et Lil Yachty. Le spot joue à la perfection sur les codes actuels du hip-hop comme l’illustre cette chute hilarante sous autotune.
Réussir une collaboration : quels leviers ?
Le hip-hop n’est pas réservé aux cibles jeunes et urbaines : il peut faire écho à plusieurs générations et plusieurs éléments de la pop culture. En proposant à Metro Boomin de reprendre le titre phare des années 80 “Hold Me Know” des Thompson Twins, GAP réussit à toucher une audience extrêmement large, des plus jeunes (avec des influenceurs) aux plus nostalgiques.
Certaines alliances relèvent de l’ordre de l’évidence, comme G-Shock, montres phares à l’ADN résolument urbain, à qui le rappeur Médine a dédié un couplet original. Alors les marques doivent-elles posséder une street cred pour collaborer avec le hip-hop ?
Charles Moukouri n’est pas de cet avis :
“N’importe quelle marque peut faire appel au hip-hop, à condition que la marque réfléchisse à une façon de faire matcher la musique”. Il confie même : “Pas plus tard qu’hier, on a proposé Damso pour une pub Renault”.
En somme, plusieurs facteurs entrent en jeu pour une collaboration réussie :
- La synchronisation d’une musique sur une publicité est possible si elle permet à la publicité de respecter son ADN de marque : Givenchy, avec Aaron Taylor-Johnson
- L’endorsement est possible à condition qu’il existe un alignement entre la marque, la cible et l’artiste utilisé : FNAC, avec Nekfeu
- Le brand content est efficace s’il implique les artistes dans le processus de création, comme l’a montré G-Shock (Casio) avec Médine
Pour conclure, la culture hip-hop en France est le plus souvent vécue sous le prisme du rap français, encore perçu dans les imaginaires comme une musique contestataire, qui mise sur les problématiques politiques et sociales plutôt que sur le divertissement.
Cette scission a fait naître des flops comme la collaboration entre Akhenaton, rappeur conscient, et Coca Cola, emblème du capitalisme. Deux poids, deux mesures qui ne fonctionnent pas vraiment ensemble en raison du fossé qui sépare leurs systèmes de valeurs.
En France, le hip-hop se limiterait donc au “rap conscient”, pas vraiment prêt à se plier à l’entertainment et au consumérisme du monde publicitaire. Pourtant, les premiers emcees, au sens originel, n’étaient-ils pas de simples “maîtres de cérémonies” et animateurs de soirées ?
Par Thomas MARTINEZ et Thanh-Nhan LY CAM
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