18-10-2019
Comment la grève solitaire de Greta Thunberg est devenue virale en deux heures
- Politique
Au départ, elle est seule. Assise avec une pancarte, un sac à dos et un thermos, Greta Thunberg, 15 ans, entame le 20 août 2018 une grève scolaire appelée à rentrer dans l’histoire. Le geste est spontané mais la mise en scène est elle bien rodée : en une journée à peine, l’histoire de Greta fait les gros titres de la presse suédoise. Récit du “Day 1” de Greta Thunberg, modèle de communication digitale mise en scène par une start-up suédoise.
Cette photo de Greta accablée par sa solitude est à la source du mythe. Elle est régulièrement invoquée pour montrer l’incroyable chemin parcouru en une année, de l’écolière solitaire à l’inspiratrice d’un mouvement historique.
Two photographs, separated by just over a year, taken in Stockholm and in Dublin. Who says one person can’t make a difference? @gretathunberg #climateprotest pic.twitter.com/30Y1tU5Y9S
— Conor Pope (@conor_pope) 21 septembre 2019
Les conditions de production de cette photo sont peu connues. Elles enseignent pourtant sur la fabrication moderne des héros et son calibrage pour les réseaux sociaux. Greta Thunberg a toujours assuré qu’elle était bien seule ce jour-là et que personne «utilisée». La réalité est plus nuancée.
Quand Greta s’assoit devant le Parlement ce matin-là, absolument personne ne la connaît. Elle a gagné quelques mois plus tôt un concours de rédaction sur l’environnement organisé par un journal suédois. Bo Thorén, un activiste écologiste, remarque son texte et l’invite dans un petit groupe de militants. C’est lui qui souffle à Greta Thunberg la vague idée d’une grève scolaire. L’idée séduit la jeune fille qui décide de se lancer seule dans ce combat, en avalant au préalable des rapports du Giec. Ses parents s’opposent à l’idée, assurent-ils aujourd’hui, mais finissent par céder face à sa détermination: «Si tu le fais, tu dois le faire toi-même, sans association, sans ONG ou autres. On ne pourra pas être avec toi, c’est ton combat.»
Le 20 août à 8h30, jour de rentrée en Suède, Greta s’assit donc toute seule devant le Parlement national. Elle poste les premières photos de son action sur ses comptes Twitter et Instagram (alors très peu suivis) à 9h37. Le message devient rapidement viral dans la twittosphère suédoise.
Vi barn gör ju oftast inte som ni säger åt oss att göra, vi gör som ni gör. Och eftersom ni vuxna skiter i min framtid, så gör jag det med.
— Greta Thunberg (@GretaThunberg) 20 août 2018
Jag skolstrejkar för klimatet fram till valdagen. pic.twitter.com/OyIvpdBiEq
Le phénomène Greta Thunberg va être vraiment lancé par un autre message parfaitement calibré pour la viralité, cette fois sur Facebook. Ingmar Rentzhog est le CEO de We Don’t Have Time, un réseau social destiné à initier un mouvement pour le climat. Dans un statut émouvant posté à 10h31, il explique être tombé par hasard sur Greta Thunberg, après avoir amené son fils de 3 ans à l’école. Il enjoint ses amis à aller rejoindre la jeune fille devant le Parlement: «montrez-lui qu’elle n’est pas seule».
Le post sera partagé près de de 6.000 fois. Personne ne le remarque alors mais les photos sont étonnamment professionnelles pour un statut Facebook privé. Parmi les trois images postées, on retrouve la photo iconique de la jeune Suédoise en plan large. Deux heures seulement après que Thunberg se soit assise devant le Parlement, la photo qui fera sa légende est déjà postée sur Internet !
L’auteur de cette image est un photographe indépendant, Adam Karls Johansson, employé ce jour-là pour une pige par We don’t have time. «J’avais eu l’info par We don’t have time qu’une jeune fille allait ce matin-là démarrer une grève scolaire pour le climat et qu’on devait faire un reportage dessus», explique Adam Karls Johansson.
A 11h38, We don’t have time poste les trois mêmes photos sur le compte Twitter de la start-up. Avec un message cette fois-ci en anglais, pour toucher un public international.
We children don't usually do what you grown-ups tell us to do. We do as you do. And since you don't give a shit about my future. I don't give a shit either
— We Don't Have Time (@WeDontHaveTime0) 20 août 2018
My name is Greta, I live in Sweden and I'm 15 years old. I refuse school for the climate until election day #WeDontHaveTime pic.twitter.com/BnKnulZJk7
A 16h25, la start-up suédoise poste une vidéo très léchée, réalisée également par Adam Karls Johansson. La solitude de son combat est quelque peu surjouée, puisqu’elle est soutenue par We don’t have time et que dès cette journée du 20 août, de nombreux journalistes suédois la contactent. Un premier article est publié dès la mi-journée.
Le succès initial de Greta Thunberg repose sur l’alliance du combat sincère et obstiné de la jeune Suédoise et de la mise en scène parfaite proposée par We don’t have time. D’après sa présentation sur un site de crowdfunding, l’objectif de la start-up suédoise est de créer «un mouvement grassroots pour une mobilisation globale pour le climat. En utilisant le pouvoir des médias sociaux, nos utilisateurs pourront influencer la société vers une politique climatique plus déterminée.» Quel meilleure preuve de son savoir-faire que d’avoir su fabriquer le produit médiatique Greta Thunberg ?
Le CEO Ingmar Rentzhog a enjolivé la réalité dans son post Facebook, comme il le reconnaîtra plus tard. Il n’est pas tombé ce matin-là par hasard sur Greta, il avait été mis au courant de l’initiative. Cela n’enlève rien à l’authenticité du combat de la jeune Suédoise. Elle a juste bénéficié des services de brillants community managers, qui ont su résumer sa lutte en une photo iconique, faire de son combat un statut Facebook inspirant simple à comprendre et à partager.
Après cet épatant succès, We don’t have time est accusé d’avoir profité de l’effet Greta. La start-up a levé près d’un million d’euros en mettant en avant la jeune fille comme conseillère dans une brochure. «C’est malheureux qu’elle ait été utilisée à des fins commerciales. Mais elle n’est au courant de rien. Aucun d’entre nous ne le savait.», déclarera son père dans la presse suédoise en février dernier.
Depuis, Greta Thunberg s’est éloignée de We don’t have time mais continue d’effectuer des prouesses en terme de community management. Ses comptes Twitter (2,7 millions d’abonnés) et Facebook (2,4 millions d’abonnés) constituent en quelque sorte la plateforme du mouvement climatique mondial. Chaque vendredi, elle retweete les manifestations dans le monde entier, leur offrant une grande visibilité. Son compte Twitter s’est aussi illustré en trollant de manière maline Donald Trump et Vladimir Poutine ou en reprenant les meilleurs mèmes à son égard.
Tant de professionnalisme ne manque pas d’interroger. Connor Turner, attaché de presse de Greta Thunberg, assure pourtant que c’est bien la jeune fille qui est aux manettes: «Greta gère elle-même tous ses comptes sur les réseaux sociaux. Personne ne l’aide pour cela». En 2019, être l’icône d’un mouvement citoyen suppose aussi d’avoir des talents numériques.
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