Qu’est-ce que Bulletin et à quel objectif cherchez-vous à répondre ?

Bulletin est un petit média qui cristallise une partie des réflexions que j’ai pu me faire lors de mes précédentes expériences professionnelles en tant que journaliste, notamment : comment arriver à informer les gens différemment ? Bulletin se veut “curieux et optimiste”, par rapport au fonctionnement de la newsletter. Il s’agit d’un fonctionnement par thématique, une sorte de “média à la carte”. Comme les magazines, en fait, dont on s’est inspiré !

En terme d’usage, il est né d’observations : on faisait toujours la critique au Temps, où j’ai travaillé, que le temps de lecture était trop long par rapport au temps disponible des lecteurs. Et l’on voit que d’un côté, les éditeurs veulent rajeunir leur audience, mais d’un autre côté, qui a le temps de lire un quotidien, même numérique ? Il y a un vrai problème de produit. J’ai observé mes proches pour voir comment ils s’informent, c’est de l’UX facile à faire ! Mon épouse est toujours un peu speed, mais a quand même cette envie de s’ouvrir au monde. Mes amis qui ne sont pas journalistes ont une activité culturelle très riche, mais pour eux, la conception d’un média est très marginale, en-dehors des liens partagés sur Facebook. J’avais donc cette double envie d’amener un format nouveau et de répondre à ces questions.

Aujourd’hui le projet démarre, donc l’audience est autour de 3 000 abonnés gratuits. C’est ouvert à 55%. Ce qu’on observe déjà, c’est que la réflexion de départ est validée, ce qui est très encourageant.

Lors de notre dernière creative review, nous avons échangé avec @JeanAbbiateci sur l’avenir des médias et newsletters : l’occasion de découvrir @bulletin_fr, nouveau média curieux et optimiste ! pic.twitter.com/y7D5ImioIx

— La Netscouade (@LaNetscouade) July 6, 2020

Vous avez récemment déclaré que “c'est l'archaïsme technologique du format newsletter qui en fait paradoxalement sa plus grande force”. Qu’entendez-vous par là ?

La newsletter est un format vieux, arriéré technologiquement… mais c’est cette espèce d’économie de moyens qui fait aussi sa force, dans un monde qui est dans le flux… La newsletter a beaucoup de vertus, notamment parce qu’elle revient au texte. Il y a un vrai créneau pour le texte concis, rapide, avec de l’esprit, des bons liens… il s’agit d’un produit fini et dans le design du projet on reprend les codes du magazine, avec une cover, un footer, etc. La promesse c’est “3 minutes de lecture”.

Son côté “rendez-vous” fait aussi sa valeur. Le contenu est presque un prétexte, ce qui est important c’est le lien qui est fait avec l’audience. Sur ce point, le format newsletter est aussi à double tranchant : en cochant “je m’abonne”, les gens vous concèdent l’activité de leur boîte mail, ce n’est pas rien ! Si vous ne les accrochez pas, à cause d’un mauvais contenu, ils vont vous sanctionner.

Qu’est-ce qu’une newsletter comme la vôtre apporte de plus ou de moins qu’un média classique ?

Aujourd’hui, il est compliqué d’exister pour un petit média. Les gens peuvent venir une fois mais ne plus revenir. L’avantage des newsletter est de vous faire retrouver ce côté “rendez-vous”, un peu comme le journal papier avant. Et j’observe que très peu de médias ont une newsletter ouverte, tout est fermé. Avec Bulletin c’est l’inverse, on a une vraie valeur à renvoyer vers les bons liens, à faire la recommandation des articles intéressants. C’est cette capacité de recommandation qui crée la fidélisation.

Les newsletters peuvent-elles remplacer définitivement les médias ?

Les newsletters ne remplacent pas les médias, mais l’on trouve une complémentarité dans les deux formats, ainsi que dans le traitement des informations. Pourquoi l’optimisme, les informations positives semblent-elles être une tendance lourde dans les médias depuis quelques temps ? Pour moi, le cheminement a été long. J’ai été formé comme journaliste, donc j’avais appris que les sujets clivants, problématiques étaient les plus intéressants. Quand j’étais journaliste au Temps j’avais une litanie de sujets plombants et je me demandais vraiment “Si vous n'avez que ce flot de mauvaises nouvelles, comment voulez-vous vous engager et comment voulez-vous avoir prise sur l'information ?”. Ça ne veut pas dire qu'il faut tout enjoliver, tout rendre joli. Déjà, il faut commencer par expliquer aux lecteurs la cause des problèmes : cela permet au moins de renseigner les solutions proposées. Il s’agit d’être positif, sans être naïf. Il faut trouver un juste milieu entre naïveté et anxiété, jouer sur la curiosité : comment ça marche, je veux comprendre pourquoi….

Les gens ont envie de curiosité, dans un monde un peu fermé, comme sur Twitter, où les choses se brassent dans l'entre soi. Il faut quelque chose qui nous ouvre sur d'autres vies que les nôtres, qui nous permet de nous engager, nous permet de réfléchir. Éditorialement, c’est le pari que je fais et je pense que c’est un bon coup de pied au cul au défaitisme des médias.