03-02-2022
Jean Massiet (Backseat) : "Twitch n'est pas (encore) un lieu de campagne présidentielle"
- Politique
Tous les cinq ans, de nouveaux réseaux sociaux voient le jour dans le paysage politico-médiatique. Catalyseurs d’une mobilisation et d’un engagement politiques, ils constituent des moyens d'étoffer une culture du dialogue en s’adressant à un public plus jeune. Les derniers en vogue, Twitch et TikTok, font l’apanage des candidats à la présidentielle et semblent devenir un passage obligé pour déployer la portée de son message et conquérir les voix abstentionnistes. S'ils revêtent une dimension stratégique indéniable pour un personnage politique, illustrant sa modernité par la maîtrise de ces supports, ces derniers peuvent également le desservir et susciter en lui l’appréhension. Le streamer politique Jean Massiet décrypte pour nous les pratiques de ces nouveaux outils du numérique.
Twitch bénéficie d'une grande attention médiatique cette année, avec cette idée sous-jacente que la campagne numérique 2022 pourrait s'y jouer. À mi-parcours, est-ce qu'on peut dire que c'est vraiment le cas ? Quels ont été les moments marquants de cette pré-campagne sur Twitch ?
Il n'y a pas de campagne numérique sur Twitch pour la simple et bonne raison qu'un seul candidat à l'élection présidentielle a une activité un peu sérieuse sur cette plateforme : c'est Jean-Luc Mélenchon. Les autres candidats, en l'état actuel des choses, sont absents de ce service de streaming vidéo en direct, qui est avant tout une plateforme de diffusion communautaire prônant la régularité. Être présent sur Twitch signifie investir le dispositif fréquemment, pas de temps en temps. Or, Jean-Luc Mélenchon s’est manifesté très épisodiquement sur Twitch ces dernières années. Il a commencé à faire son retour depuis l’automne dernier. Son équipe de campagne a en effet dévoilé un nouveau plateau pour des émissions à rallonge, ils ont inventé un format qui s’appelle #AlloMélenchon. Mélenchon est l’un des seuls à avoir développé un support spécifique pour Twitch. Les autres candidats, pour l’instant, se limitent à des pratiques classiques sur les réseaux sociaux, que ce soit sur Facebook, Twitter, YouTube, Instagram et maintenant TikTok. Force est de constater que Twitch n’est pas un lieu de campagne présidentielle.
Au demeurant, peut-être que certains d’entre eux se sont fait la réflexion que ce n’est pas le numérique qui fait un Président de la République. Une campagne numérique bien faite peut être utile, notamment pour mobiliser des militants, mais ce n’est pas là que cela se joue. La télévision reste de très loin le média numéro un en France. Les outils du numérique sont davantage impliqués en politique dans la structuration des mouvements comme celui des gilets jaunes ou encore les tremplins aux Etats-Unis. Le recours à la télévision est peut-être un calcul “cynique” en estimant que l’on va plutôt trouver un public jeune sur les réseaux numériques, qui est un public très abstentionniste. Les républicains l’ont d’ailleurs démontré pendant la campagne de la primaire et du Congrès : les candidats étaient tous à la télévision et dans la presse quotidienne régionale. Et ils ont raison. Ils sont là, les adhérents LR. Ce n’est pas sur Twitch mais sur France 3 Régions qu’ils toucheront des personnes plus âgées. D’autant plus que la particularité de cette campagne est qu'elle advient tardivement. De nombreux camps politiques ont mis beaucoup plus de temps à s'organiser et à se déclarer, notamment les échiquiers politiques traditionnels que sont la droite républicaine et la gauche écologique, sociale et démocratique.
L’usage des plateformes numériques constituerait-il un moyen de défendre ses idées auprès de ce vivier d’électeurs qu’est la classe d'âge 18-25 ans ?
L'enjeu du vote jeune est toujours le même. Obama avait théorisé, à raison et à succès en 2008, sur la nécessité absolue d'aller toucher une population qui vote peu, de faire campagne auprès des abstentionnistes. Le fait est qu’il est toujours compliqué de motiver des personnes qui ont des rancœurs envers le système politique dans son ensemble à aller voter. C'est évidemment le challenge pour beaucoup de candidats même si tous ne cherchent pas forcément à lutter contre l'abstention.
Vous avez déclaré que vous regrettiez que les politiques ne savent pas ce qu'ils viennent faire sur Twitch, à qui ils s'adressent et pourquoi ils investissent ce média. Quelle serait la bonne approche pour un candidat à la présidentielle ?
Il ne faut jamais oublier que les personnalités politiques ont beau avoir des cabinets, des conseillers, des agences qui les accompagnent, les usages du numérique sont surtout une question de culture personnelle. Certains candidats n’ont pas de pratiques numériques et s'intéressent assez peu à ces médias. Cela rend leur présence sur les réseaux difficilement utile et efficace lorsqu'ils n’en maîtrisent pas la grammaire au plus profond de leurs “tripes”. À l'inverse, pour d'autres, ce sera plus facile. Je reprends le cas de Jean-Luc Mélenchon, qui comme le mentionnent plusieurs fois ses biographes, est un féru de nouvelles technologies depuis toujours. Il avait créé “36 15 Tonton” à l’époque du minitel pour soutenir François Mitterrand à sa réélection. Il a été l’un des premiers et des plus prolifiques blogueurs français de la scène blog quand elle existait. Jean-Luc Mélenchon s’entiche des nouveautés, a soif de curiosités. L’un des ses collaborateurs m'a confié que le soir, il regarde des vidéos sur YouTube, s’amuse à découvrir de nouveaux YouTubeurs.
D’autres candidats ne maîtrisent pas ces mécaniques et donc se pose la question de ce qu’ils vont faire sur ces plateformes dont ils ne détiennent pas les codes. Ils sont généralement à l’aise avec la télévision et la radio parce qu'ils ont grandi avec. La manière de poser sa voix, de faire des questions rhétoriques, de répondre dans une matinale de radio d'information, ils savent le faire. Twitch est un endroit sur lequel on les sent décontenancés. C'est vrai qu'ils sont un peu stressés à l'idée de venir sur la plateforme parce qu'ils ne maîtrisent pas ses codes très directs et très sincères. Le seul conseil que j'ai toujours donné aux politiques, c'est d’être avant tout authentique dans leur approche du numérique. Si vous lancez un live sur Twitch et que vous n'êtes pas un amateur de jeux vidéo, dites-le tout de suite. Je leur recommande même de jouer avec ce caractère un peu néophyte. Ça a bien fonctionné pour Samuel Etienne, par exemple. Il a démontré à tout le monde que ce n’est pas grave de ne pas tout comprendre. On sent quelqu'un qui ne débarque avec ses gros sabots de candidat, de politique ou de journaliste. Sur Twitch, les politiques sont amenés à fendre leur armure et à montrer de la faiblesse. Or, ils n’arrivent pas à le faire puisqu’ils sont baignés dans une culture du rapport de force, de la conflictualité qui nécessite d'être toujours impeccable et prêt au combat. Il s’agit pour eux de faire leur révolution copernicienne, de faire preuve d'humanité dans une posture de sincérité. Le second conseil que j’ai donné à des politiques à plusieurs reprises est de ne pas se forcer à investir les réseaux sociaux. Ne rien faire est parfois mieux que mal faire…
Qu'est-ce qui différencie une interview de Christophe Castaner dans votre talk-show "Backseat" d'une interview du même Castaner dans une matinale radio ? Quelle peut-être la plus-value d'un live Twitch ?
La plus value d’un live Twitch c'est que Christophe Castaner, ancien ministre de l'Intérieur et actuel président de la majorité à l'Assemblée Nationale, est accueilli selon nos conditions. Nos conditions reposent sur un cadre que j'ai créé : un plateau. On n'essaie pas de mimer la télévision, des grammaires de l'image, du rythme et du tempo qui sont des logiques propres à d'autres médias. Nous avons notre propre architecture. Par exemple, sur Backseat, l’ensemble des invités politiques sont jeunes, portent des t-shirts, des baskets et se tutoient. Cela participe à créer une ambiance de sincérité, de rythme très direct. Christophe Castaner faisait partie des personnes que nous avions reçues dans cette émission. Il avait préparé pendant plusieurs heures son intervention avant de venir mais m’a confié être plus anxieux que pour une matinale de France Inter ou de France-Info. Ce territoire inconnu et l’aspect très spontané de Backseat force les politiques à sortir de leurs phrases toutes faites et à dévoiler le fond de sa pensée.
Avez-vous prévu de recevoir des candidats à la présidentielle dans les semaines qui viennent et de faire de "Backseat" un des lieux importants de cette campagne web ?
Exactement. Backseat est le lieu dans lequel les candidats ont vocation à s'exprimer auprès du public de Twitch, qui a 24 ans de moyenne d’âge et qui peut parfois être éloigné de la politique. Ce sont les 80% de jeunes qui se sont abstenus de voter aux régionales. Backseat est un live d’actualité politique hebdomadaire qui leur est consacré. Ce n’est pas une émission de débat. L’invité politique est présent pour s’exprimer, donner son opinion et le fond de sa pensée. C’est un univers de liberté de ton.
\
Le streamer politique @JeanMassiet décrypte pour Picks le rôle de Twitch dans la campagne #presidentielle2022 https://t.co/tFSRwsDEEA pic.twitter.com/U7jen5lm4T
— La Netscouade (@LaNetscouade) February 4, 2022
Le condensé de culture numérique qui explore les nouvelles tendances du digital.
- Santé
- Culture digitale
- Politique
- RSE
- Éco-conception
- Média
- Éducation
Picks est désormais
sur WhatsApp
Pour nous rejoindre, rien de plus simple.
1. Enregistrer ce numéro +33615605232 sur WhatsApp sous le nom "Picks".
2. Cliquer sur le bouton "Nous rejoindre" ci-dessous et suivre les instructions.
En procédant à votre inscription, vous acceptez l’envoi ultérieur d’un condensé de l’actualité numérique uniquement sur WhatsApp (aucun sms ou appel). Vous pourrez sortir de la liste de diffusion à tout moment en cliquant sur "Bloquer le contact" dans les paramètres de la conversation. Votre numéro de téléphone ne sera pas récupéré ou utilisé pour toute autre utilisation que celle mentionnée ci-dessus.
Grand bol
d'inspiration
PICKS, made in La Netscouade, le condensé de culture numérique qui explore les nouvelles tendances du digital.
Votre adresse de messagerie est uniquement utilisée pour vous envoyer les newsletters Picks. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans la newsletter. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits
Manifesto
Nous croyons, à La Netscouade, qu’il est possible de régénérer la communication digitale tout en restant fidèles à ce que nous sommes.
Plus qu’une marque, La Netscouade est une marque de fabrique : nos clients viennent chercher chez nous une manière de faire, une capacité à imaginer des contenus à valeur pédagogique et créative, une propension à mixer cultures et talents dans un esprit « laboratoire d’idées ». Sans refuser la vitesse du numérique, nous avons toujours privilégié le long terme pour créer du lien entre l’entreprise et ses publics. Ce sont la transparence, l’écoute active, la constance et la consistance des prises de parole qui génèrent de la confiance et in fine de l’engagement durable.
Dans la période actuelle, nous aidons nos clients à faire du sens un vecteur de performance. Les projets que nous menons avec eux, RSE, numérique, nouveaux media, e-santé, éducation, science, font converger intérêt particulier et intérêt général et créent les conditions d’un engagement plus fort et plus durable.